Roman minimaliste – “Le garçon aux cartes”

Le roman minimaliste est un récit qui laisse libre court à l’imagination du lecteur et le plonge dans un univers qu’il peut s’approprier. Pour l’écriture de cet essai minimaliste, je me suis inspirée de deux oeuvres de Georges Perec: d’une part Espèce d’Espaces, publié en 1974 et qui présentes les prémices de la seconde oeuvre, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, publié en 1975. Dans ces deux oeuvres, Perec prend pour base de son récit l’observation d’espaces et de lieux, notamment urbains; ici, la ville et les rues de Paris. Il envisage ses écrits comme des “travaux pratiques” et s’impose donc des contraintes simples, dans la ligné de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentiel), dont il fait partie.

Son but est de noter tout ce qu’il voit, ce qui est notable; ce qui l’amène donc à se demander ce qui est vraiment notable et digne d’intérêt. Il s’oblige à décrire tous les évènements dans le moindre détail, même ce qui paraît anodin. L’auteur s’applique “à voir plus platement” afin de déchiffrer un morceau de ville, jusqu’à ce que l’on ne soit plus capable de distinguer de quelle ville il s’agit voire, jusqu’à ce que l’on ne comprenne plus ce qu’il se passe ou ce qui ne se passe pas.

Pour mon récit “Le garçon aux cartes”, j’ai appliquer les mêmes règles. Je me suis assise dans un lieu de passage et j’ai observé ce qui se déroulait autour de moi en écrivant. C’est aussi la notion de passage mais aussi d’écriture que j’ai voulu dégager avec cette photo. J’ai tenté de déchiffrer l’espace dans lequel je me trouvais et de retranscrire le mouvement dont il était empreint, tout comme nous pouvons tenter de décrypter ce qui a était gravé dans ce fragment de mur par de nombreuses mains. J’ai ensuite retravailler mon récit pour essayer d’en tirer une sorte de poésie.

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“Le garçon aux cartes”

J’écris dans mon carnet. La mine de mon crayon s’épuise doucement sur le papier. De là où je me trouve, je peux voir ce garçon assis au bas des marches et qui bat des cartes. Il écoute la musique, regarde aux alentours. Près de moi, en haut des escaliers, rit un couple. (Le couple se conjugue au singulier, comme si nous n’étions qu’un.) Quelqu’un passe au loin mais je ne peux pas voir son visage. Deux hommes montent les escaliers. Une jeune femme les descend. Son pull est rouge. Un homme passe. Sa chemise est blanche. Quatre filles cherchent leur chemin.

Le jeune homme aux cartes semblent absorbé dans une contemplation intérieur. Il joue distraitement avec les cartes mais ne quitte pas le vide des yeux.

Une femme prend son petit-déjeuner dans les escaliers. Elle tire une bouffé sur sa cigarette et boit une gorgé de café. Une fille monte les marches. Elle est blonde. Deux hommes passent derrière elle, un autre derrière moi qui rejoint les escaliers et les descend. Un garçon à un bonnet a ponpon. Une fille porte une écharpe rouge.

Quelqu’un siffle. Quelqu’un grogne.

Un homme passe, deux cafés fumant à la main. Deux autres montent les escaliers. Leurs gobelets sont vides.

Les cartes dansent toujours dans les mains du garçon. Il se fait marionnettiste des lieux, sans même s’en apercevoir.

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