Invention de soi/Récit de soi

Le récit de soi passe par plusieurs méthodes, il prend forme au quotidien dans une infinité de supports. Il va du journal intime à la biographie, filmée ou écrite, en passant par les mémoires, les blogs, et va même jusqu’à l’autofiction, des carnets de croquis, des carnets de notes personnelles, livres de recettes annotés, récit en image, ou les posts de statuts/photos sur les réseaux sociaux etc …Il s’agît d’amener par ces biais une réflexion de soi sur soi.

Il y a dans la mise en œuvre du récit de soi un besoin de se raccrocher à un espace temps : pouvoir placer les souvenirs dans le temps , défragmentée la mémoire, « Je communique physiquement avec le temps passé, comme un archéologue sur le terrain. »1 .

L’être humain a donc besoin de se raccrocher aux souvenirs, à son passé, par des éléments palpables, concrets.

Au-delà d’une volonté personnelle, d’apprendre sur/de soi même, de tenir un journal ou un blog dans une démarche introspective, on a aujourd’hui à faire à une nouvelle vague d’exposition de soi.

Par des réseaux sociaux comme Instagram, Myspace, Flickrfacebook … qui permettent d’actualiser des données sur son existence comme : le statut (son humeur/le dernier repas qu’on a fait/souhaiter l’anniversaire de mamie), l’orientation sexuelle, les albums photos, ou la position géographique, tendent à élaborer une autre conception du récit de soi. On peut non seulement se raconter aux yeux du monde par une application, mais aussi, actualiser en permanence nos moindres faits et gestes. Chaque heure de notre vie peut être enregistrée, classée, si bien qu’elle efface la notion de souvenir. Il ne s’agit plus de se remémorer un moment mais il suffit d’aller piocher dans un album photo, ou faire un retour en arrière par date sur sa page facebook, pour retrouver ce qu’on a fait il y a 2 mois à 18h30. Enlevant alors tout le charme de la démarche d’aller à la rencontre du souvenir, travailler à défragmenter la mémoire n’est plus chose complexe. A la différencce de ce qu’on peut voir dans les plages d’Agnès, de Agnès Varda où elle recrée les scènes de ses souvenirs, tente de retourner sur les lieux du passé, elle parle de la mémoire comme « d’un puzzle » dont on ne retrouve jamais toutes les pièces, étant sans archives de souvenirs, son travail est une manière de reconstituer en partie la mémoire.

«  […] une des dimensions constitutives de l’expérience humaine: (c’est) la capacité de l’être humain à configurer narrativement son existence et à biographier son expérience singulière du monde historique et social »2 .

Se dévoiler permettrait alors de créer du lien social ? Mettre en avant son quotidien d‘individu lambda, permettrait de s’individuer face à la communauté, car «  L’existence individuelle ne peut se comprendre sans faire appel aux institutions au milieu desquelles la biographie est vécue ». 3 .

Ces supports sont donc un moyen d’amener la représentation de soi et transcrivent la singularité d’un regard sur le monde, mais n’y a-t-il pas dans cette approche une forme d’exhibitionnisme ?
L’étalage abusif de sa vie privée, tend à créer une perte de la notion d’intimité, car on n’a plus le choix des informations partagées, (même si ce choix est toujours présent en bas de page écrit en minuscule qu’on ne lit jamais), l’individu a normalisé la mise en avant de sa vie en parmanence, sans plus y réfléchir, sans trier ce qui pourrait être bon à montrer ou non, nous nous exposons.

Sophie Calle à travers : Des histoires vraies, relate par l’alternance textes/photographies, des courts récits ou fragments de sa vie, qui sont donc choisis de manière volontaires, avec une description, ce qui en fait une forme de récit de soi.

Pourtant elle choisit de mettre en lumière seuls quelques éléments de son passé, qui lui ont semblés bon de relater au lecteur. Dans ce cas on peut parler des blogs/journaux intimes en ligne, où l’auteur sélectionne, met en page, illustre son journal.  L’être humain pour le différencier des autres formes de vies, possède la faculté de mettre en mot, et peut donc s’exprimer par le biais de l’écriture, l’expérience alors en devient plus formatrice et permet par l’échange et la lecture ouverte, une nouvelle interprétation de données.

L’Homme est un élément en réseau avec le monde qui l’entoure, société, politique, vie privée, comme sur internet., qui se transforme en une nouvelle réalité.

1. Philippe le jeune “Au pays du journal”, article publié dans la Nouvelle Revue Française, n° 531, avril 1997, p. 53 ., 

2.“La condition biographique Essais sur le récit de soi dans la modernité avancée Christine Delory-Momberger p56 .

3.Charles Wright Mills (sociologue américain) .

This entry was posted in Rapport 1 17/10/2013, Uncategorized. Bookmark the permalink.