Rapport n°4: choisir un artiste et analyser son œuvre: Sophie Calle

Sophie Calle est une artiste française née en 1953 à Paris. Elle s’exerce à travers plusieurs types de réalisations: la photographie, l’écriture, la réalisation de films… Et sur tous supports: installations, livres, photos, vidéos, performances… Pendant plus de trente ans, elle a produit des œuvres qui reposent sur sa vie, ou sur celle des autres, d’ailleurs elle porte un intérêt particulier sur l’exposition des moments les plus intimes. Christine Macel décrit son travail comme « une image et une narration, autour d’un jeu ou d’un rituel autobiographique, qui tente de conjurer l’angoisse de l’absence, tout en créant une relation à l’autre contrôlée par l’artiste». J’ai choisi d’analyser ici son travail intitulé Les Dormeurs (qualifié d’art sociologique) car il représente le fil rouge de ses productions et est aussi sa première en tant qu’artiste. En effet Sophie est devenue artiste par hasard, alors qu’elle n’avait aucun projet professionnel dès son retour à Paris, elle décida par jeu de suivre les gens dans la rue et de les photographier, de prendre notes sur leurs déplacements. Ainsi lorsqu’une de ses amies lui fit une remarque sur la “tiédeur de ses draps”, elle eut pour idée de proposer une réflexion autour de ce thème.

Pour ce sujet des Dormeurs Sophie Calle a décidé d’inviter chez elle des inconnus pour dormir dans son lit! Elle décrit l’événement ainsi: “Je voulais que mon lit soit occupé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme ces usines où on ne met jamais la clé sous la porte. J’ai donc demandé aux gens de se succéder toutes les huit heures pendant huit jours. Je prenais une photographie toutes les heures. Je regardais dormir mes invités. […]. » De plus elle notait aussi leurs déplacements et positions, les questionnait sur leurs habitudes mais aussi sur ce qu’ils pensaient de cette expérience et pourquoi ils acceptèrent l’aventure: tout simplement parce que c’était inattendu. Parmi les dormeurs, il y eut l’acteur Fabrice Luchini et la femme d’un critique d’art, selon la photographe ce sont ces sujets d’étude qui ont décidé qu’elle était artiste. Avec ses photos en noir et blanc exposées comme un art combinatoire, ou des séquences d’une bobine de film, elle proposa deux livres en tant que comptes-rendus que l’on pourrait qualifier de “journal extime” ou “roman-photo”, où elle y fait elle-même une analyse de cette expérience; enfin de novembre 2003 à mars 2004, elle expose Les Dormeurs dans M’as-tu vue au centre Pompidou.

Dans cette œuvre, Sophie Calle cherche à créer une passerelle entre l’art et la vie. Elle prend comme sujet le quotidien mais surtout se pose des questions dessus que l’on n’oserait pas exprimer: elle interroge les limites entre le voyeurisme pour elle, et l’exhibition pour le sujet, celles du public et du privé. Dessus elle en fait une sorte de reportage, inventaire, journal de bord tel un psychiatre examinerait son patient. Mais elle va plus loin car elle n’interprète pas l’inconscient du dormeur, elle le voit, elle créer un récit sur le rêve entre érotisme et paranormal. Pour elle la photographie est une sorte de narration de l’intimité, et peut-être une façon de conserver une image que personne n’aura de l’endormi pas même lui-même, on peut dire qu’elle pénètre le secret du sommeil. Elle possède certes un esprit provocateur mais est avant-gardiste, elle ne viole pas l’intimité puisque les personnes sont consentantes même si elles sont photographiées à leur insu, elle s’intéresse à l’échange/ la disparition, l’art de se raconter à travers les autres. Peut-être cherche t elle à se trouver, se retrouver à travers l’art, car depuis son retour en France elle était perdue, c’est alors une sorte de mise en abîme, d’autofiction. Ici nous pouvons aussi ajouter que le divertissement devient art voir réflexion sur soi-même soit une introspection.

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