Le selfie étant, n’en déplaise aux puritains, une forme de self-expression contemporaine, admise dan l’histoire de l’art je me suis demandée si certains artistes photographes que j’avais jusqu’alors aimés l’avaient pratiqué au sein de leur travail. Et évidemment j’ai trouvé que, une partie de l’œuvre de Cindy Sherman, immense artiste photographe contemporaine américaine, m’avait jusqu’alors échappé. Elle qui pratique l’autoportrait sous toutes ses coutures, et a également une pratique particulièrement prolifique et originale autour du selfie. Logique qu’elle se soit emparée de l’application Instagram pour cette pratique, et qu’elle mette de nouveau le digital et le selfie dans les hauts rangs de notre histoire de l’art contemporaine.

D’abord, en 2017 elle dévoile son compte instagram jusqu’alors privé, et là un mini musée digital gratuit est proposé, des centaines de selfie, modifiés, accessoirisés, détournés, retouchés et mis en scène apparaissent. L’aspect de gratuité que propose Instagram quand on fait le choix de proposer plus de 600 oeuvres gratuitement est aussi un choix politique face aux institutions classique et un placement en tant que femme photographe aujourd’hui. A travers cette série géante et de ce qu’il l’entoure l’artiste remet en question des question fondamentales de où se situent les limites et l’intérêt des oeuvres, des musées, des artistes, du marché de l’art.
« She began creating these images earlier this year, after a makeup artist who had done her face took a photo with her. “I was so impressed with how he made me look,” she recalls. A week later, though, a friend showed her an app called Facetune, and “I realized that he had actually used this app to just make all of my wrinkles and lines go away,” she says. Sherman now uses Facetune for her own Instagram portraits, as well as two more apps, Perfect365 and YouCam Makeup, to tweak facial features, apply makeup, and toss on accessories. In Photoshop, which she uses in her artwork, she is able to alter every little detail, but these apps were designed to meet specific needs. “It’s really only about making things prettier,” she says. And yet, Sherman has managed to tease highly unorthodox results—and, often, grotesqueries—from these tools. The women she has created have inflamed skin, warped noses, piercing eyes. Occasionally, identical ghosts burst from their heads or pattern their bodies. Nevertheless, they seem knowable, and lovable, perhaps because of the intimate nature of Instagram or because they have been built with tools that aim to serve desires we can identify. They embody understandable intentions that have gone awry.»

Pour ses selfie, elle a découvert l’application Facetune dont je parle dans un post précédent, et tout en la détournant de son usage initial elle a puisé jusqu’aux dernières ressources de cette application pour mieux ironiser sa pratique malsaine. Évidemment l’artiste propose un contenu dans lequel son propos est représenté avant tout, c’est à dire le questionnement sur l’identité, le thème de la représentation de soi, que permet profondément d’exploiter le selfie.

Dans ces selfie, on retrouve sa technique de grimage mais dans une sphère plus intime, plus quotidienne et expérimentale.
À son habitude elle nous montre des visages difformes, presque extraterrestres, finalement comme présupposé, elle utilise les codes de la plateforme et les remet en question en même temps.
Le reste de son compte Instagram est constitué d’instants de vie, de photos d’architecture, d’expositions, de moments en famille, ou de paysages aux couleurs psychédéliques, d’où le rapport nouveau avec une intimité que n’avait jusqu’alors jamais vraiment dévoilée l’artiste.