Exposition de soi et dispositifs mobiles Rapport 3

Du print club au selfie du smartphone :

une création de soi Créé dans les années 1990 au Japon, le « print club » est une cabine photographique identique aux cabines pour les photographies d’identité, sauf que les photos que l’on peut prendre dans ces « print clubs » ne sont pas des photos officielles et conventionnelles, comme en propose un photomaton délivrant des photos d’identité. Le print club est une cabine permettant une grande liberté de pose et d’expressions faciales. De plus en plus répandu au Japon, il s’est affirmé comme un moyen d’obtenir une à plusieurs photos de soi instantanément, puisque les photos sont imprimées immédiatement. Ce procédé a développé chez les utilisateurs une fascination pour leur image. Ces cabines ont permis et encouragé, en effet, une mise en scène de soi et la fixation sur un support de cette mise en scène. Ces photos permettent de se regarder autrement que dans un miroir. Le procédé a été amélioré en proposant la possibilité de faire des retouches au point de modifier le physique des utilisateurs pour satisfaire aux critères physiques de l’époque. De cette manière, les utilisateurs peuvent changer leur couleur de cheveux, d’yeux et de teint, mais aussi rendre leurs yeux plus grands. Cela donne lieu parfois à des résultats qui ne ressemblent pas du tout à la personne. Ces print clubs ont donné l’habitude d’être photographié et ont développé chez leurs utilisateurs le goût de l’exposition de soi.

Les modifications sur les photos de soi sont pratiquées aujourd’hui aussi avec les Smartphones qui possèdent différentes applications pour changer les caractéristiques physiques, ainsi que la possibilité de mettre des filtres pour masquer les défauts et arranger le teint, les yeux et les cheveux, le but étant de se rendre plus présentable dans la perspective de publier la photo sur les réseaux sociaux. Internet prend une grande place quant à cette nouvelle manière d’exposer des autoportraits nommés « selfie ». Les Print clubs ont, en 2006, créé des liens numériques pour les photos prises en cabine afin de pouvoir les publier sur internet. Mais grâce aux nouvelles technologies comme les Smartphones et webcams, il est à présent possible, grâce à une camera frontale, de se prendre soi-même en photo sans intermédiaire, sans même avoir besoin de se déplacer jusqu’à une cabine. À n’importe quelle heure de la journée et n’importe où, on peut se photographier en sortant simplement son téléphone. Le selfie banalise le narcissisme de cette pratique, des photos qui ne sont plus imprimées sont stockées par centaines dans le téléphone et publiées aussitôt sur Instagram ou Facebook, avec préalablement l’utilisation d’un filtre pour améliorer l’image. Les applications de publication de son image se multiplient comme Snapchat qui permet d’envoyer des photos de soi qui s’effacent au bout de 5 à 10 secondes. Ces photographies sont impossibles à conserver à moins de faire une capture d’écran.

Généralement ces applications concernent un public assez jeune, ce qui semble créer une nouvelle génération imbue d’elle-même. Le selfie continue de développer fortement le culte de l’image de soi. La guerre des « like » sur internet en est la preuve. Le but est de correspondre aux critères de beauté imposés en 2015 : la minceur, une bouche pulpeuse, de grands yeux bleus, un petit nez retroussé, de longs cheveux et des fesses rebondies, voilà ce qu’on peut retrouver sur les réseaux sociaux. L’objectif n’est plus seulement de partager son image avec les autres, mais de devenir populaire et d’être le plus « aimé », d’obtenir le plus d’abonnés possibles et de parvenir à une nouvelle sorte de célébrité, où le seul talent est d’être photogénique. Cela pousse à montrer que l’on est parfaite ou parfait à travers des photos qui ne reflètent pas le réel, car cela reste, comme les print clubs, de la mise en scène de soi : trouver la bonne posture et l’expression qui rendra la photo la plus flatteuse. Que cela soit à travers une cabine de photo ou bien d’un Smartphone, la mise en scène et la modification de l’image par rapport aux critères de beauté est la même, amplifiant un narcissisme à partir d’une uniformité et d’une banalité

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