Pendant longtemps, j’ai entretenu un carnet d’auto-fiction où je me mettais en scène à travers un personnage. Il était mon avatar.
Extrait de mon journal intime. Je raconte ici la rencontre hasardeuse dans la rue avec un collègue du travail de mon cousin. Rappelons que mon cousin est chef d’escouade dans l’armée de terre.
24 Juillet 2015
« Je l’ai toujours détesté. Un peu avant que j’intègre la seconde, mon frère est devenu capitaine de sa division. C’est à ce moment là que Franklin est devenu capitaine de la sienne. Et quand j’étais avec mon frère il venait toujours lui parler. Vu de l’extérieur, il ne s’agissait que de simples discussions entre capitaines. Ils ne parlaient d’ailleurs que de la pluie et du beau temps. Mais je ne le ressentais pas comme ça. La première fois que je l’ai vu j’en ai eu des sueurs froides, je m’en souviens encore. L’extrémité de ses doigts, son sourire narquois, ses yeux presque immobiles.. j’avais l’impression de voir s’agiter une langue de vipère me prenant tout autour du cou. Pendant qu’il parlait avec mon cousin, j’avais l’impression de sentir sa main sur ma gorge. J’en étais comme paralysée. J’ai toujours détesté ce type. Il me faisait l’effet d’un poison, s’insinuant en moi par tous les pores de ma peau et se propageant au plus profond de moi. J’étais simplement terrifiée. Je n’ai jamais trouvé d’explications rationnelles. Quelque chose en moi rejetait cet homme de toutes ses forces. Je lui ai parlé à plusieurs reprises, mais ce sentiment n’a jamais disparu. Et aujourd’hui encore, rien n’a changé, rien du tout. Il est resté le même. »
Quelques temps plus tard, mon cousin décédait des suites d’une fracture. La tristesse m’a très vite envahie qui s’est ensuite transformée en un sentiment de vide. Vide d’esprit, vide de vie. C’est alors que des idées sombres me traversèrent l’esprit.
Un jour alors que je revenais de cours, je revis ce fameux compagnon d’arme de mon cousin. La rencontre fut déterminante pour moi car ce jour là, il me sauva la vie.
5 Novembre 2015
« J’avais perdu tout espoir, je n’avais plus ni raison de vivre ni regret de mourir. J’étais sereine face à la mort et il a pourtant réussi à m’atteindre. Cette faible lueur d’espoir qu’il m’a laissé entrevoir a suffit à ranimer mon envie de vivre, alors que je me croyais si solide, si déterminée. Il est parvenu à semer en moi le doute. »